Pré-texte à quelques observations qui n'ont rien d'une étude exhaustive et didactique
mais qu'on lira plutôt comme un survol touristique
une manière de démo du (vaste) programme suggéré
AVERTISSEMENT :
L'utilisateur intéressé pourra se reporter utilement à la documentation en français accessible sur le sujet. Afin de gagner en espace-mémoire et en vitesse de traitement la matière de ces textes n'est pas reprise ici.
SOMMAIRE :
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- Préface de Bruce Sterling annotée par J.B. in Gravé sur Chrome de William Gibson
(La Découverte, Ed., collection Fictions, 9/87)
- Préface de Bruce Sterling à son anthologie Mozart en Verres-miroirs (Denoël, Présence du Futur)
- Quand la science-fiction se gratte les puces, de J.B in L'Ordinateur Individuel n°100, février 88.
«L'Informatique en 2000».
- Autres références en page bibliographie JB.
- Lectures vitaminées de Frédéric Djibril in Science et Vie Micro, n°63 juillet/août 89.
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CONTEXTE HISTORIQUE
Rembobinons...
Au début des années quatre-vingt, personne -- pas même les auteurs de science fiction -- n'aurait envisagé les mutations politiques/sociales/technologiques survenues au cours de cette décennie et destinées sans doute à laisser une marque indélébile. En vrac : explosion de l'ordinateur individuel, puis portatif, puis de cartable, puis de poche, réseaux câblés, téléphone personnel, piratage informatique, cartes à puce,
Minitel, ordinateur individuel, sondes spatiales, disque laser (musical, puis vidéo, puis support de données), intelligence artificielle, systèmes-experts, holographie, images de synthèse, applications croissantes de la supra-conductivité. Mais aussi : trou dans la couche d'ozone, pollutions diverses, épidémies et pandémies, renoncement progressif au tout-nucléaire...
Mais aussi : bouleversements sociaux et moraux induits par l'incursion de plus en plus insistante de la biologie dans le domaine de la vie privée : fivette (fécondation in-vitro), mères porteuses, hybridation et puis, et surtout : M.S.T., Sida et maladies à rétrovirus.
Mais aussi : bouleversements politiques en Europe de l'Est, en ex-URSS, désarmement ; intégrisme religieux, illettrisme, pauvreté et chômage «institutionnalisé» dans les pays développés, naissance de nouveaux géants économiques : le Japon, les 5 dragons asiatiques, la ceinture du Pacifique (voir les romans de Gwyneth Jones, de Sucharitkul, de Stephenson), en parallèle au déclin politico-économique des ex-deux super-grands. Simultanément, un certain nombre de thèmes-bateaux, de paranos et de clivages simplistes se sont pris un léger coup de vieux. Dans le domaine socio-politique : crise du pétrole, syndrome de Big Brother (le mythe du P.C., le Pouvoir central, politique -- totalitaire -- et/ou technologique : le Grand Ordinateur/Ordonnateur) ; idem pour le pacifisme bêlant et l'écologie baba-coulante vus comme unique alternative aux multinationales et à l'oligarchie militaro-économique.
En matière strictement technique, plusieurs innovations : véhicules radio-guidés, écrans plats, visiophone, mémoires à bulles, ordinateurs à jonctions Josephson (cités d'abondance dans la S-F du début de la décennie), maison intelligente, reconnaissance de la parole, se font que que peu désirer ou sont franchement passées de mode (à l'instar de la maison «tout-atomique» et des délires de robotique électro-ménagère
que Boris Vian promettait en chanson : "Ah, Gudule ..."). Et l'on passera charitablement sous silence les robots obséquieux et bavards (Du Roby de Planète Interdite à l'ineffable R. Danee Olivaw d'Asimov) devenus aussi rétros que les ailerons d'une Batmobile...
En revanche, certains thèmes marchent fort et ont été parfaitement cernés par la littérature d'extrapolation : ainsi le retour aux "valeurs" (qu'elles soient naturelles, morales, civiques ou religieuses avec leur connotations d'ordre établi), le doute face à la pensée rationnelle et le retour en force de tous les obscurantismes (religieux, superstitieux) dans la tradition (fort bien médiatisée au demeurant) des terreurs
millénaristes bruyamment annoncées par tous les marchands d'orviétan ; ce qui nous donne un mé ange curieux (pour ne pas dire un fatras) de pseudo-sciences qui se parent de justifications technologiques: astrologie (mais sur ordinateur), rikazarailleries relayées par de grands labos pharmaceutiques, magnétisme, radiesthésie, mémoire de l'eau, psychokinèse, homéopathie, psychanalyse, magie noire et vaudou ; le Yi-King et la sagesse indienne fascinent bien certains physiciens quantiques ...
Tout cela on va le retrouver parfaitement cerné chez les cyberpunks -- mais, paradoxe, il semblerait qu'au
contraire des générations précédentes ou ils rêvaient plus vite que les hommes de science, ce sont les écrivains de science-fiction qui gardent désormais la tête froide face à la «danse étrange des quarks charmés» alors que certains scientifiques, à trop vouloir réconcilier science et conscience, se laissent aller à confondre rationnel et mysticisme, on l'a vu naguère au colloque de Cordoue. Ce mélange des genres, très «pré-
millénaire», pour reprendre l'expression du roman qu'on va lire (Les Mailles du Réseau), fait constamment 'objet de piques narquoises dans la littérature cyberpunk : chez Effinger, la tireuse de Yi-King électronique -- clin d'œil à nos calculettes à bio-rythme ou à combinaisons de loto ; chez Gibson et Sterling, l'emprise entêtante du vaudou, exploité par des rastas reconvertis dans la synthèse vidéo et le piratage informatique. Quelques thèmes toutefois, restent (provisoirement) «en avance» sur notre temps. Ce sont principalement tous ceux qui ont trait à l'ingénierie génétique, aux manipulations, greffes
d'organes et autres interfaces bio-technologiques ... là, même les «biomen» des feuilletons télévisés font figure de bricolages issus de l'antre du Dr Moreau en comparaison de mutants transsexuels de Varley, de la civilisation de la «schismatrice» décrite par Sterling, des «sex-changistes» de Gibson, Varley ou Williams ou des porteurs de «papies» et «mamies» d'Effinger.
Méfions-nous toutefois, cette avance n'est sans doute que provisoire -- alors qu'on a déjà réussi
substitutions de gènes et création de chimères, ne nous promettait-on pas le séquençage et le décodage du génome
humain d'ici la fin du XXe siècle ? On y est quasiment parvenu.
Et restons modeste devant les tentatives de futurologie en matière spatiale (la Station de 2001, qui date de 1967 n'est toujours pas édifiée et les vols en navette de la PanAm sont encore loin. Du reste la PanAm n'existe plus...), informatique (la lecture des numéros prévisionnistes des revues informatiques spécialisées est une source ineffable de rire garanti : je sais, moi-même, j'ai donné... Ne prévoyait-on pas encore en 1998, des ordinateurs tournant à 266 MHz et 64 Mo de mémoire, dotés de disques durs de 4 Go avec un écran de 17 pouces pour l'an 2000 et tout cela pour... moins de 85000 F. Et l'on passera sur l'explosion d'Internet encore imprévue en 1994...), ou hi-fi domestique (un article de début 98, toujours dans une revue spécialisée garantissait la survie pour 15 ans encore du Laserdisc sauf "très improbable" explosion du DVD... et rappelons-nous aussi les prévisions de la fin des années 80 sur la télé par satellite ou de la fin des années 90 sur la téléphonie mobile).
° Minitel si spécifiquement français et tellement passé dans les mœurs depuis bientôt trente ans -- alors qu'il est resté méconnu à l'étranger -- que (pour une fois) certains romans de SF américains des années 70 ont pu nous paraître un tantinet poussiéreux, question ambiance télématique. Même remarque en ce qui concerne les divers types de cartes électroniques (à piste magnétique, à puce, bancaires, téléphoniques, interactives, toujours peu répandues hors de l'Hexagone, même en ce début de XXIe siècle)
TENDANCES FORTES
Les valeurs familiales, le repli sur soi, après la grande vague libératrice des années 70 du XXe siècle... Ainsi, dans le roman qu'on va lire, la mère de l'héroïne culpabilise parce qu'elle a sacrifié sa vie familiale (complexe et ponctuée de mariages successifs) à la dure loi de la réussite à tout prix. Le désir de retour au bercail est d'ailleurs une constante quasiment obsessionnelle, et pas seulement pour l'héroïne des Mailles du Réseau. Paradoxalement, tous ces grands enfants attardés, qu'ils s'agisse de Bobby, le jeune pirate de Comte Zéro, de Mona (Mona Lisa s'éclate), des deux routards paumés de Câblé, ou de Mârid Audran, le privé qui hante le souk du Boudayin dans la série inaugurée avec Gravité à la Manque, tous, sous leurs airs de faux-durs et de cœurs de pierre trop vite montés en graine, sont en fait des (post)-adolescents déboussolés, désespérément en quête d'un nid à la fois douillet et solide après des dérives dans les ailleurs dangereux d'univers parallèles ou souterrains : drogue, terrorisme, cyberspace...
IMAGES FORTES
Finis les rêves de conquêtes spatiale, terminée la guerre galactique : image-symbole, dans Câblé, lorsque les gens lèvent le nez vers les étoiles, les nouvelles constellations qui s'inscrivent dans le ciel sont celles des Blocs orbitaux. L'ailleurs est ici. Demain, c'est maintenant : L'extra-terrestre garde les pieds sur Terre. Il est symptomatique en effet que la majorité des auteurs du courant cyberpunk aient tourné le dos aux recettes, thèmes et décors de la science-fiction classique ; même (comme chez Gibson, Swanwick, Robinson ou Sucharitkul) lorsqu'ils s'aventurent dans un avenir plus lointain que le XXIe siècle, ou lorsqu'ils s'évadent «hors du puits de gravité» (entendez l'environnement terrestre), c'est pour nous enfermer dans les dédales de bases ou de colonies spatiales qui ne font que répliquer le huis-clos angoissant de cette nouvelle science-fiction essentiellement urbaine et politique. Car les territoires à conquérir sont ceux du pouvoir, seulement, les modalités de sa conquête ont changé ; le pouvoir désormais est celui du savoir, de l'information : réseaux câblés, maillés qui tissent leur toile d'araignée télématique autour du globe. Le Réseau informatique mondial (déjà esquissé dans Michaelmas, encore réduit aux balbutiements de l'image de synthèse, des incrustations vidéo, des radio-téléphones cellulaires et de la télé par satellite), ce réseau est devenu la trame même du tissu socio-économique dans les Mailles du Réseau, tandis que chez Gibson, il acquiert, avec «Senso/Rézo» une «troisième dimension», une épaisseur plus seulement métaphorique : celle du cyberspace.
Désormais, comme dans les meilleurs jeux vidéo, les individus s'y introduisent mentalement pour fracturer les
programmes, affronter les virus, déjouer les défenses anti-pirates, à l'instar des héros du film Tron, une fois traversé ce nouveau miroir orphique de l'interface.
Le message sous-jacent est explicite : la force n'est plus associée à la puissance militaire ; le pouvoir politique s'efface devant celui, économique, de l'argent. Les conseils d'administration ont remplacé les parlements, les P-DG., les Présidents et les multinationales occupent le terrain laissé vacant par des organisations internationales qui ne représentent plus que des états-fantoches... Et dans ce jeu de
Monopoly planétaire, il n'y a plus besoin d'espèces sonnantes et trébuchantes ; l'argent même est devenu virtuel : actions, devises, obligations, cartes à puces, OPAs et transferts de fonds sur des comptes télématiques (Cryptonomicon), les pirates cyberpunks sont de sacrés initiés (Cryptonomicon, encore) -- et cette S-F d'un nouveau genre sait faire vibrer le lecteur en l'emportant dans des batailles
échevelées où les salves-laser sont remplacées par des transactions effectuées à la vitesse de la lumière d'un bout à l'autre de la planète, relayées par satellite d'une place financière à l'autre ... (Câblé, Le Souffle du cyclone).
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Parallèlement à cet envahissement de l'économique, voire du pragmatique, le champ du politique se réduit, et l'analyse idéologique s'étiole : le lyrisme révolutionnaire, miné d'un côté par les golden boys de la finance, de l'autre par les délaissés de la course au profit, sonne soudain aussi creux que les communiqués ronflants des groupes extrémistes -- même si, comme les membres du F.A.I.T. décrits par Sterling, ils se veulent défenseurs de l'ordre (nouveau ?) contre le terrorisme.
Analyse expéditive, parfois simpliste, mais qui correspond assez bien à l'optique des écrivains américains, souvent mal à l'aise (à quelques rares exceptions près : Spinrad, entre autres...) dans le débat d'idées politique, jugé spécialité d'intellectuel européen tordu, source d'ennui pour le lecteur -- et d'inquiétude pour l'éditeur. Arrêtez-moi si je me trompe, mais la politique, c'est un
truc de gauche, ça ?
Ceci précisé, plutôt que des discours, Sterling le dit lui-même, les cyberpunks préfèrent établir leur constat social «au niveau de la rue» sans trop s'envoler vers les hauteurs de la théorie. D'ailleurs, lorsque les personnages se lancent dans des discours politiques ou des professions de foi, comme dans les Mailles, où de tels passages sont relativement nombreux, (mais après tout, c'est un roman de journalisme-politique-
fiction), les-dits passages sont toujours traités avec une bonne dose de distanciation narquoise...Même si l'on peut s'irriter des références récurrentes et mal digérées à un "darwinisme social" qui fleure bon son révisionnisme néo-eugéniste (voir à ce sujet le
Pour Darwin de Patrick Tort aux PUF)
LE DOGME CATHODIQUE
Face à ce pouvoir, un contre-pouvoir : celui de l'information, celui de la presse -- thème, déjà, de deux titres précurseurs : Michaelmas et Jack Barron, et qu'on retrouvera ici avec les Mailles du Réseau. Une boulimie d'information qui prend un rythme frénétique : «Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors-service ...», la phrase célèbre qui ouvre Neuromancien apparaît comme la mire emblématique, cathodique, préludant à un déferlement d'images fractionnées, numérisées, crénelées, comme la
vision qu'offrent la prothèse optique de Marîd Audran, les implants Kikuyu-Optics et les yeux infra-rouges des
Panzerboys de Câblé, l'œil-cortex d'Alexandra Victoria Haas, dans Mindplayers de Pat Cadigan, ou simplement (?), les Vidéo-V, ces lunettes-caméras émettrices, mouchards portés par les témoins, journalistes ou inspecteurs des organisations internationales dans les Mailles. Image forte et symbolique que celle de l'héroïne filmant pour le monde les horreurs de la guerre, les yeux fermés derrière ses verres-miroirs : Comme pour les vedettes de la simstim chez Gibson et Varley, l'œil-caméra, prothèse indiscrète, est en même temps reflet-miroir,
masque derrière lequel se cache le personnage véritable.
D'ailleurs, ce personnage existe-t-il encore, quand la prise en charge mentale et sociale (dans les Mailles, les
multinationales n'ont pas d'employés mais des «associés») va jusqu'à l'acquisition même du corps de ces nouveaux prolétaires transgéniques (sort cruel que découvre l'héroïne au début des Fleurs du vide de Michael Swanwick : elle est devenue la propriété de la Deutsche Nakasone GmbH) : on retrouve là finalement, réactualisé, un thème qui traverse toute la fin du XIXe siècle, de Wells à Villiers de l'Isle-Adam, et
souvent repris par les auteurs de S.F. français du début du XXe, le thème originel du Robot de Karel Capek ou du
Metropolis de Fritz Lang... : nouvel esclave du monde industriel, le prolétaire appartient corps et âme, aux capitalistes, avec l'éventuelle complicité de quelques savants fous. Entreprise de déceverlage/dépersonnalisation d'autant plus amplifiée que le Capitaliste à cigare est ici remplacé par
une multinationale anonyme, et le Savant par une Technologie tout aussi impersonnelle ; chez les cyberpunks, le héros, c'est d'abord le Système, entité totalitaire, Big Brother sans visage, comme dans le film Brazil de Terry Gilliam.
En revanche, si l'on veut découvrir les modèles économiques de cette fin de siècle, banques «off-shore» et transnationales, on lira avec profit l'Atlas Hachette : La Puissance économique, sous la direction de Pierre Vallaud.
LA MORT DU HEROS
Car chez les cyberpunks, on est à l'opposé de la science-fiction de papa qui ne se démarquait pas du récit classique avec ses héros positifs (qu'ils fussent bons ou méchants, peu importe, ils agissaient sur le monde : l'archétype étant représenté par les personnages charismatiques de Van Vogt ou Asimov, capables, comme Hari Seldon, d'influer sur le destin de l'humanité à l'échelle des siècles et des années-lumière). Ici, pas de nouveau Christ (quoique, avec le héros de l'Elvissée de Womack...), mais des personnages lambda, qui vivent au jour le jour, «au ras du trottoir», pour reprendre l'expression de Sterling, qui mangent, baisent, dorment et pissent comme vous et moi, ont parfois la trouille, souvent la migraine et presque toujours des emmerdes. Des personnages plutôt naïfs et paumés, qui s'en tirent par la débrouille, s'abstiennent de théoriser sur le Destin de l'Homme et l'Avenir de la Planète, et souvent ne sont héroïques que bien malgré eux. Et des personnages, rappelons-le, qui ne se battent plus contre d'hypothétiques extra-terrestres : le temps n'est plus aux métaphores.
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LE DOGME CATHODIQUE (II)
Héros largués, dans un monde saturé d'images dont le scintillement rythme les scènes d'amour, d'images qui éclairent les centres commerciaux et barrent les rues, d'images qui envahissent les habitacles de véhicules, s'accrochent au poignet, surmontent les lits, rayent les nuages, dessinent sur
les écrans géants des horreurs capables de déclencher une panique sur un stade : puisque, dans ce monde (un peu le nôtre, non ?), ce qu'elles ne montrent pas n'existe pas, alors ce qu'elles montrent est nécessairement la réalité.
QUIZ
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Qui a dit ?
«Ces histoires dépeignent un portrait immédiatement reconnaissable de la dure réalité moderne.»
«Avec Gibson, nous entendons chanter une décennie qui a trouvé sa voix propre.»
R : BRUCE STERLING, dans sa préface à Gravé sur Chrome
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PARENTHESE
POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA LITTERATURE
CYBERPUNK :
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de cyber [né [plein de] tics]
et punk [n'est pas fréquentable] |
Le courant «cyberpunk» -- malgré son étymologie douteuse et discutable, le terme évoque assez bien les androïdes déglingués de Blade Runner ou de Terminator -- est né au milieu des années quatre-vingt. On peut le considérer comme l'héritier thématique de Dick, Jeter, Pohl, mais aussi de
l'esthétique de la déglingue, ruines urbaines et tôles froissées (Ballard...), parent des recherches stylistiques de la Nouvelle Vague anglaise (Moorcock...) et française (Jeury...), nourri de politique-fiction (mais pas tant que ça : plutôt celle à grand spectacle de John Brunner : Tous à Zanzibar, Sur l'Onde de choc, ainsi que le trop méconnu La Ville est un Echiquier, des pamphlets psycho-politiques de Spinrad (Jack Barron et l'éternité), ou de la satire sociale (Pohl ...), pimentée de visions parfois délirantes (Varley ...) et, pourquoi pas, influencée par des recherches stylistiques plus anciennes : sans vouloir remonter à Mallarmé, Lewis Carroll ou James Joyce, comment ne pas évoquer d'un côté le Nouveau Roman (Butor, Robbe-Grillet, le Clezio) et l'Oulipo (Queneau, Perec) pour cette boulimie descriptive et narrative, nourrie d'une culture éclectique mais toujours rigoureusement mise en forme. Avec aussi une recherche subtile de vocabulaire, de re-création du langage (qui entre parenthèses, donne tout son piquant -- aïe ! -- au métier de traducteur).
Dans ce catalogue éclectique, citons un auteur qu'on oublie souvent : Algis Budrys avec Michaelmas (ce journaliste-Holmes-Phileas Fogg aidé de son inséparable «Domino», son fidèle ordinateur-organiseur Watson-"Passe-Partout". Les ingrédients sont déjà là : informatique, réseaux de données, pouvoir des medias, trafic d'image télévisée (entre toutes ces incrustations d'images, où est le réel ? -- et le bouquin date pourtant de 1977... depuis, on a fait des progrès.
Salsa, Japon, Liban, Afrique : comme la "world music", la "sono mondiale" -- puces et tofu, informatique et
diététique, tout est bio : la bouffe et la guerre, bio la logique, bio la nique...
Dans ce vaste courant, qui s'est créé un langage, un monde, une mode commune, une Bible analogue à celle de StarTrek ou des jeux de rôle -- à l'instar de la SF des années quarante avec son vocabulaire : crédit galactique, empire, fulgurants (voir le lexique des "clés pour la S.F." des frères Bogdanoff) -- et sa thématique (réseaux, informatique, trusts bancaires et pharmaceutiques, ingénierie génétique), une constante
apparaît : la fusion, le mélange des genres. L'ère est au métissage généralisé. La planète, enfin, est devenue
cosmopolite, l'écriture s'en veut la traduction. D'où parfois, cette frénésie, cette urgence d'un style éclaté : il faut tout montrer, tout dire, comme sur un mur d'images vidéo.
LES AUTEURS
Leur goût marqué pour l'exotisme, le métissage culturel, (l'aisance avec laquelle ils jouent des langues, mélangent traditions, images, cuisine, costume, musique ...) traduit sans doute leurs origines et leur expérience : Bruce Sterling a passé plusieurs années aux Indes, Gwyneth Jones a vécu à Singapour, Sommtow Sucharitkul, natif de Thaïlande, a été élevé au Cambodge, George Alec Effinger avoue avoir fréquenté les
bas-fonds de la Nouvelle-Orléans...
Ajoutons, dans le cas précis de ce dernier, que de graves problèmes de santé et de fréquents séjours à l'hôpital ont sans aucun doute joué sur le climat passablement hémoglobo-chirurgical de ses derniers romans, ... une façon comme une autre d'exorciser ses démons et ses terreurs, c'est ce qu'il avoue lors d'un entretien paru dans le trimestriel américain Locus.
CLINS D'ŒIL ET RÉFÉRENCES
Détail également typique, sinon d'une école, du moins d'une chapelle littéraire : les private jokes, blagues pour initiés, (que, sans remonter à la Pléïade, on a connu chez les Romantiques, les surréalistes, à l'Oulipo, au cinéma et dans la bédé) : renvois d'ascenseur, allusions, clins d'œil ou hommages qui émaillent les textes : ainsi, au détour d'une envolée lyrique, Sterling dans les Mailles ne se prive-t-il pas d'évoquer le «Souffle d'un cyclone» (Voice of a Whirlwind) -- titre emprunté à Walter Jon Williams -- tandis que son héroïne s'amuse à baptiser Gwyneth quelque gros lézard familier (même s'il n'est pas certain que l'hommage soit au goût de la belle Gwyneth Jones). On retrouve ce même goût du clin d'oeil chez Wagner, Stephenson ou Clancy-Pieczenik.
CONSIDERATIONS STYLISTIQUES
CYBERPUNK = 1 ExC 2 100T > 13&3 < 1 S-F D6D A DKP !
=>>TRA : Cyberpunk : passage très étroit entre un excès de santé et
une s-f décidée à décaper ! |
Autre trait propre à l'écriture cyberpunk : l'amour, qu'on peut trouver immodéré, des abréviations, acronymes et sigles divers mais ce n'est après tout que la caricature d'un penchant bien réel des médias, de la politique ou de la technique. C'est sans doute chez Gwyneth Jones avec
Plans de Fuite que la tendance est la plus marquée, avec la création de l'acro, langue acronymique, qu'elle définit comme une «sténographie condensée essentiellement dérivée des langages naturels». En fin de roman, un glossaire d'une dizaine de pages explicite d'ailleurs les H&V, Accès-D, LODIs, SRV et autres 2-VENTUR... feu d'artifice lexical (dans la lignée des «D-LISS» et «K-PRISS», les drogues du
Dieu venu du Centaure de Dick) et dont l'adaptation fait les nuits blanches (et parfois les délices) du traducteur. Gibson de son côté, y va de sa «GLACE», dont les couches logicielles recouvrent sites centraux et banques de données informatiques les protégeant des intrusions par leurs contre-mesures Electroniques, tandis qu'Effinger nous offre ses «PAPIES»
(Périphériques d'Apprentissage Intégré Electroniques) et «MAMIES» (Modules d'Aptitude Mimétique Enfichables)... (voir
note et la page consacrée aux
cyber-acronymes.
Enfin, néologisme et cosmopolitisme trouvent leur transcription littérale avec ces multinationales futures dont les marques composent une délirante et poétique litanie : Kikuyu Optics, Ono-Sendaï, Deutsche Nakasone GmbH, syllabes-symboles trahissant le brassage et la dilution de l'identité culturelle -- au même titre que les noms à tiroir des personnages énoncent leur généalogie tourmentée : La Margaret Alice Day Garfield Nakamura Simpson des
Mailles du Réseau est une digne descendante de la Maria Lisa Sorano-Lagerdier crée par Michel Jeury dans
Les Singes du Temps et peut-être, encore et surtout du si bel abdallah geronimo cohen, d'Hubert-Félix Thiéfaine,
"né d'un croisement sur une vieille banquette citroën de gwendolyn von strudel hitachi dupod levy tchang & d'zorba johnny strogonof garcia m'golo m'golo lang, tous deux de race humaine de nationalité terrienne" (HFT,
Le Bonheur de la Tentation, Sony-Tristar 1998).
Schématiquement, on pourrait donc distinguer deux écoles, deux styles : celui éclaté de Gibson (une construction qui a inspiré les concepteurs de jeux-vidéo : on trouve désormais une version de Neuromancien sur disquette) voire précieux-expérimental de Gwyneth Jones ou celui très linéaire, neutre, blanc, presque sec d'un Varley ou ici de Sterling, privilégiant le choc de l'objet et des situations signifiés à celui d'un signifiant pour nous incongru et exotique -- d'où d'ailleurs l'ambiguïté d'analyse du style de Gibson ou de Walter Jon Williams, et certaines réticences de la critique (les lecteurs, en revanche, semblent ne pas être aussi crétins qu'on se plaît à les imaginer, qui ont parfaitement admis ces néologismes comme marque d'un néo-réalisme futur) ; d'ailleurs ce clivage entre deux écoles mérite d'être nuancé. En rupture avec une certaine SF classique et didactique adepte des notes en bas de page (les fameux «(1)authentique» de l'ineffable Jimmy Guieu, au Fleuve Noir) ou des longs discours explicatifs chers au professeur Asimov, ces auteurs ont choisi d'emblée de dépayser le lecteur en le propulsant tout de go dans l'univers futur qu'ils décrivent. De même qu'il ne viendrait pas à l'idée d'un romancier contemporain (hormis cuistrerie ringarde) d'expliquer par des notes ce que sont un TGV, une OPA, un CD-rom, un Macintosh (défaut inhérent à certains auteurs anglo-saxons de thrillers qui prennent leurs lecteurs pour des poires), un minitel ou une MST, l'avant-garde des cyberpunks de choc ne s'encombre pas d'explications, laissant au lecteur le plaisir de se sentir intelligent en découvrant tout seul, par recoupements et déductions, les sens sous-jacents à ce monde nouveau dans lesquel ils sont brutalement immergés (cette technique d'immersion qu'on connaît pour l'enseignement accéléré d'une langue étrangère car c'est bien de cela qu'il s'agit. Womack est sans doute celui qui a porté ce procédé jusqu'à la limite (Terraplane et l'Elvissée. Mais il avait des prédécesseurs avec Daniel Drode et son Surface de la Planète(Rayon Fantastique/Hachette 1959) et bien sûr Orwell (la Novlangue de 1984 et surtout L'Orange mécanique d'Anthony Burgess. Une situation quelque peu traumatisante ,: c'est celle que décrivent les otages libérés après une longue période d'isolement total, et qui, faute de «mise à jour» de leurs référentiels culturels, se retrouvent incapables de décoder la réalité...
Mais peu à peu, de même que la SF classique nous a accoutumés à son lexique truffé de néologismes parfois lourdingues mais qui fleurent bon les années cinquante, il s'est créé un corpus de termes admis d'un commun accord par tous les auteurs décrivant cette réalité future : par un effet de synergie, chaque œuvre nouvelle apporte sa brique à l'édifice de cette histoire du futur rédigée à plusieurs mains. En bénéficient ipso facto des auteurs au style réputé plus abordable (Sterling, justement). On peut y voir un simple effet du «progrès», la conséquence de l'assimilation générale de cet ensemble de termes (dont certains sont d'ailleurs entrés dans notre univers réel/contemporain, leur frontière devenant flou, à mesure que le temps rattrape la fiction). Mais toujours, avec cette jouissance du verbe et de la création néologique (un plaisir proprement oulipien) : c'est le triomphe des triamphés pour se doper, le douillet réconfort de la soléine pour réchauffer un cœur et un corps endoloris...
Notons au passage, et c'est là une différence fondamentale avec la S.F. classique (telle celle d'Asimov, avec ses prolongements grffés à chaque extrémité [pré- et post-] à son cycle de la Fondation), que cette histoire du futur prend le risque de s'ancrer dans le futur proche, aux limites de la politique-fiction, en faisant intervenir lieux et personnages contemporains, (Sterling, Gibson) pour s'éloigner au maximum d'un ou deux siècles (Effinger, Williams, Varley).
°
Ajoutons que la langue anglaise se prête admirablement à ce genre d'exercice dont ne se privent d'ailleurs pas les utilisateurs autochtones :
que ce soit les militaires pentagonaux avec la doctrine «MAD» (Destruction Mutuelle Assurée), qui veut bien dire ce qu'elle veut dire, les simples automobilistes californiens qui n'hésitent pas à faire immatriculer leur hot-rod "T-FOR-2" (Tea for Two) ou les chanteurs de rock : Prince qui parsème ses chansons de "Love U 2", et bien sûr des groupes comme INXCS (=In excess), TIMBUK-3 (parce que c'est
encore plus loin que TIMBUK-2, Tombouctou...), "XTC" (=Ecstasy) sans oublier le célébrissime "U-2" (You too). Pour étudier et (se complaire dans) ces divers lexiques, consulter la partie du site consacré
aux dicos.
EVOLUTION : VERS UNE MATURITE DU GENRE
D'une tendance à l'autre, toutefois, l'évolution se produit également dans l'œuvre d'un même auteur (Gibson, par exemple) qui passe progressivement de l'ambiance «science pure et dure» à la limite de l'exercice de style (Neuromancien), à des romans plus «classiques» par leur facture, sinon par leur intrigue, mais où en tout cas la machine s'efface devant un retour du psychologique et des sentiments. Les personnages, en «assimilant» leurs gadgets, greffes et appendices, prennent de l'épaisseur, de la profondeur, broches, fils et puces de câblage se mêlent aux nerfs et au sang ; les héros sont moins schématiques, leur cœur ne bat plus seulement au rythme des électrons -- la tendance, amorcée chez Gibson avec Comte Zéro, s'accentue avec Mona Lisa s'éclate ; elle est flagrante chez Williams (Câblé) et surtout Effinger (Gravité à la manqueet ses suites) où, par un étrange effet de bascule, puces et prothèses ont tendance à se noyer gaillardement dans les humeurs et le sang, inaugurant peut-être une nouveau sous-genre, le «cyber-gore» (mais comme on l'ai dit, sa bio explique en grande partie ce penchant) -- pilule qu'Effinger fait toutefois passer avec bonheur grâce à une bonne dose d'humour et de second degré.
RETOUR AUX «MAILLES»
Avec Les Mailles du Réseau en revanche, le parti-pris est inverse : on n'y trouvera guère d'effets de style propres à défriser les tenants du classicisme. D'ailleurs, la scène
d'ouverture résume à merveille l'ambiance et le ton ; quand William Gibson ou Gwyneth Jones optent pour l'immersion brutale du lecteur dès les premières lignes de leur roman, Sterling, choisit ici l'entrée en douceur : Une plage, une jeune femme fait du jogging, image sportive et bucolique ; toutefois, ses chaussures portent un chronomètre-podomètre électronique intégré. Métaphore évidente : les puces sont
partout, jusque sur le sable -- sable pollué, malgré les efforts méritoires des poubelles-robots qui le ratissent ; d'ailleurs, l'héroïne va buter sur un obstacle : l'épave rouillée d'un antique magnétoscope. Le roman achevé, on découvre que cette première scène peut se lire comme une parabole du
destin de l'héroïne... Malgré les apparences, le monde dans lequel Sterling nous invite à entrer est aussi violent que celui, légèrement plus décalé (bien que parfois situé dans un avenir plus immédiat) décrit par les autres cyberpunks. Ce style faussement neutre ne donne que plus de poids à la description d'un univers rendu avec la distanciation clinique du "grand reportage" (journalisme d'investigation, comme on dit aujourd'hui). A ce titre, "Les Mailles du Réseau" peut passer pour une œuvre-témoin, un peu comme le Tous à Zanzibar de John Brunner en 69 (déjà !).
L'HISTOIRE MET LE TURBO
Si l'on peut critiquer une vision géopolitique quelque peu simpliste (on l'a vu, c'est souvent le cas chez les écrivains américains...), on notera toutefois l'habile manière de rendre
compte de l'accélération de l'histoire : dans les
Mailles (mais aussi, répétons-le, dans la plupart des romans cyberpunks), tous les protagonistes, à quelques rares exceptions près (ici, le mercenaire anglais qui a fait la guerre des Malouines...) sont nés dans les années 90 du siècle écoulé (autant dire que pour moi qui vous parle, ils sont encore en Pampers). Choc des générations, ils nous flanquent un sacré coup de vieux : pour
eux, nos années 80-90, la guerre froide, la parano nucléaire, les conflits nationaux, l'éparpillement d'une information pas encore
planétaire°, tout cela, c'est quasiment du récit biblique.
Aussi, afin de familiariser le lecteur éventuellement novice a-t-on pris la liberté de regrouper ci-après quelques
SUGGESTIONS ENVIRONNEMENTALES
susceptibles de faciliter son acclimatation à l'univers cyberpunk
Suggestions d'ailleurs qui en dehors de la stricte approche littéraire, auront (soit dit en toute modestie) l'insigne utilité de permettre au susdit lecteur d'évaluer son TAUX D'ADEQUATION PERSONNELLE AUX ANNEES 1990-20.., proportionnel à son degré de familiarité avec les noms/personnages/concepts/appareils évoqués...
Gare aux surprises !
JB
Planétarisation de l'information dont nous avons été les témoins à la fin des années 80, avec l'interconnexion des réseaux télévisés par satellite (on en a eu l'exemple avec les révolutions des pays de l'Est, vécues en direct, heure par heure), par le développement de l'Internet et des communications mobiles (au milieu des années 90) et avec le basculement symptomatique des enjeux stratégiques : désormais, c'est autour des émetteurs de télévision/données qu'on se bat, aux Philippines, en Chine, à Moscou, en Macédoine ou naguère en Roumanie...
Et comme le suggère Neal Stephenson dans Cryptonomicon III, l'un des enjeux possible des nouveaux conflits géostratégiques sera la maîtrise des câbles sous-marins de transmissions de données, infiniment plus faciles à contrôler ou détruire que des satellites.
QUELQUES NŒUDS DANS LA MATRICE DE DONNEES
A&D: Ailleurs et Demain/Laffont. GAL: Galaxie-Bis/Opta J'L: J'Ai lu-S.F. PdF:Présence du Futur/ EtD: Etoile double/Denoël. TSF:Titres SF/Lattès. DEC: La Découverte-Fiction FOL:Gallimard-Folio PAY:Payot SF. ALB:Albin-Michel. LP:Livre de Poche
- Daniel F. Galouye Simulacron 3 GAL
- Michel Jeury Le Temps incertain A&D
- Michel Jeury Les Singes du temps A&D
- Norman Spinrad Jack Barron et l'éternité A&D
- John Brunner Tous à Zanzibar A&D
- John Brunner Sur l'onde de choc A&D
- Algis Budrys Michaelmas PdF
- Roger Zelazny Les Culbuteurs de l'Enfer TSF
- John Varley Millenium PdF
- John Varley Champagne bleu EtD/PdF
- Somtow Sucharitkul Mallworld Graffiti PdF
- William Gibson Neuromancien J'L
- William Gibson Comte Zéro J'L
- William Gibson Gravé sur Chrome J'L
- William Gibson Mona Lisa s'éclate J'L
- Walter Jon Williams Câblé PdF
- Walter Jon Williams Le Souffle du cyclone PdF
- Michael Swanwick Les Fleurs du Vide PdF
- Gwyneth Jones Plans de fuite PdF
- George Alec Effinger Gravité à la Manque PdF
- George Alec Effinger Privé de désert PdF
- George Alec Effinger Le Talion du Cheikh PdF
- Richard Kadrey Métrophage PdF
- Norman Spinrad Rock Machine A&D
- K.W. Jeter Dr Adder PdF
- K.W. Jeter Le Marteau de verre PdF
- Bruce Sterling La Schismatrice PdF/Fol
- Bruce Sterling Les Mailles du Réseau PdF/Fol
- Bruce Sterling, éd. Mozart en verres-miroirs PdF/Fol
- Bruce Sterling Cristal Express (nouvelles) PdF
- Jack Womack Terraplane PdF
- Jack Womack L'Elvissée PdF
- Bruce Sterling Gros Temps PdF/Fol
- Richard Kadrey Kamikaze L'Amour PdF
- Sterling & Gibson La Machine à Différence A&D
- Patrice Duvic, éd. Demain les puces PdF
- Neal Stephenson L'Âge de Diamant PAY
- Neal Stephenson Samouraï virtuel A&D
- Neal Stephenson Cryptonomicon I/II/III PAY
- Clancy/Pieczenik Les séries NetForce ALB/LP
NOTA : La liste n'est pas exhaustive et aborde essentiellement le domaine anglo-saxon.
On y ajoutera quelques (rares) auteurs français récents :
- Maurice G. Dantec
- Roland C. Wagner
- Jean-Marc Ligny
- Bonnefoy/Briais
OPPOSITIONS DIALECTIQUES = CHOCS CULTURELS
Quelques exemples :
- synthés / instruments traditionnels
- Yi-King / calculette
- famille nucléaire / multinationales familiales
- «Ne bouffez que de la nourriture en boîte, au moins elle
est contrôlée. Les produits cultivés en pleine terre sont
bourrés de pesticides naturels !»
- amphés, pilules / loukoums et tahin
- broches crâniennes / brochettes-merguez
ENVIRONNEMENT ARCHITECTURAL
[Quelques points de repères en relation avec les pratiques architecturales de la fin du XXe siècle]
Deux noms ici reviennent souvent :
> Buckminster Fuller et ses dômes géodésiques, omniprésents chez Sterling et nombre de cyberpunks... mais la fascination
pour cet ingénieur/architecte américain a toujours été une constante chez tous les auteurs de SF : cinéastes (Douglas Trumbull avec
Silent Running) ou écrivains (Frederik Pohl avec
Les Annales de la Cité) [Ingénieur et architecte américain, Richard Buckminster Fuller est l'un des pionniers du fonctionnalisme -- aussi bien dans l'aménagement de l'habitat que dans les transports, l'automobile ou l'électro-ménager, comme l'illustre sa série des Dymaxion,"Dymaxion House", "Dymaxion car" au début des années 30. Mais il est surtout connu pour ses recherches dans le domaine des couvertures auto-portantes, les fameuses voûtes hémisphériques qu'il baptise dômes géodésiques, et dont il projetait de recouvrir des villes entières. Une idée qui
inspirera également d'autres architectes utopistes : Paul Maymont, Paolo Soleri, les groupes Archigram ou
Superstudio (qui par ailleurs inspireront Renzo Piano &Richard Rodgers pour la construction du centre Pompidou. On s'en fera uneidée concrète (au présent, et à une échelle plus modeste) en allant contempler la voûte qui coiffe le Palais des Sports de Paris.]
Paolo Soleri et ses «arcologies», a quant à lui la faveur de Gibson (la «Zupe» opposée à la «Conurb»), de Williams...
Une pratique, avec ses évolutions dans le temps et ses modulations sociologiques :
> Le squatt systématisé.
> Sa version embourgoisée, mise à la mode dans les centres urbains au début des années 80 : le «loft».
> Sa version institutionnelle, à l'échelon de la rénovation urbaine ; baptisée «réhabilitation des friches industrielles», c'est l'appropriation des anciens ateliers/usines transformés en appartements.
> Evolution prévisible : aménagement / détournement de plates-formes pétrolières, de puits de mines, d'anciens cargos et super-pétroliers (on en verra des exemples dans les
Mailles.
Mais des milliardaires américains se sont déjà amusés à le faire, à titre privé, sans oublier jadis Radio-Caroline et naguère les actions de Greenpeace ou des French Doctors et tout récemment encore, ce navire
bloc-chirurgical IVG néerlandais croisant au large des côtes d'Irlande)
> Stade ultime, dans l'espace, la récupération des anciennes stations spatiales (Gibson, Williams, Swanwick ...). Après
tout, Américains et Russes ont déjà donné l'exemple en aménageant les cylindres-réservoirs de lanceurs orbitaux.
> Ce thème du confinement (stations orbitales ou unités d'habitations isolées) trouve son apogée dans la fascination pour l'urbanisme souterrain ; à une échelle presque anodine, en tout cas familière, ce sont les rendez-vous et poursuites dans le dédale du Grand Louvre et du Forum des Halles chez Gibson (mais à l'époque de l'écriture de
Comte Zéro, cela relevait encore de l'urbanisme-fiction), tandis qu'à l'autre
extrémité, on atteint à l'échelle continentale avec
Plans de Fuite de Gwyneth Jones, où l'on retrouve le clivage proprement dantesque entre élus (les Anges/l'élite) et damnés (L'Enfer/Envers), moteur de nombreuses œuvres de science fiction, depuis Wells (les Morloks/Elois de
La Machine à explorer le temps) et Rosny Aîné, jusqu'à Thomas Disch (
Génocides), Silverberg (
Les Monades urbaines) et T.J. Bass (
Humanité et demi).