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Fiche bibliographique



Tom Clancy
LES DENTS DU TIGRE

(The Teeth of the Tiger)
Traduit par Jean Bonnefoy

432 pages | ISBN : 0-399-15136-2 | 11 août 2003 | G.P. Putnam's Sons Adult
Albin Michel, octobre 2004, 550 p. 24 € | Livre de Poche, septembre 2006, 606 p. 7,5 €


LE JEUNE TIGRE A LES DENTS LONGUES
TigreTigre Continuant dans le bestiaire, après l'Ours, le Dragon et le Lapin, voici donc le tigre qui montre les dents...
Comme je le laissais entendre par ailleurs, l'accession de Jack Ryan à la présidence des États-Unis (et il en est déjà à son second mandat, donc, la voie de la promotion est barrée de ce côté) ne laissait plus grand choix au héros et à son auteur pour lui offrir des situations nouvelles. Par manière de plaisanterie, je lui suggérai de postuler à la magistrature pontificale... Avec le roman précédent, Red Rabbit, paru l'an dernier seulement et dont la sortie en VF est imminente, la question papale avait certes été abordée, mais sous un jour original. Et par un Jack Ryan débutant.
Avec ce bouquin, nouveau virage à 180°, puisqu'on revient à l'époque contemporaine, dans la période post 11 septembre et donc dans l'ambiance de paranoïa aigue qui a envahi l'Amérique, désormais convaincue d'être assiégée et agressée de partout par d'immondes terroristes sans visage. Ah, le bon temps des communistes, de la CIA, des commandos et de la guerre contre l'Empire du mal... c'était quand même plus simple, même pour Jack Ryan.
Dans ce bouquin, donc, dès le prologue, le ton est donné : un agent du Mossad se fait assassiner, une gamine se fait enlever par un pédophile psychopathe...
Le jeune agent Dominic Caruso, à peine sorti de l'école de formation du FBI découvre, par hasard, la camionnette du ravisseur. Il surprend celui-ci mais trop tard : la gamine a déjà été massacrée. Caruso n'a encore jamais tué... mais là, révolté, il ne peut s'empêcher de "provoquer" le tueur pour maquiller son exécution en acte de légitime défense... Le shérif du coin, venu pour enquête n'est pas dupe, mais ferme les yeux. Le climat est donné : contre l'hyperviolence et l'hyperterrorisme, ce sera œil pour œil...
Jack Ryan, du temps où il était encore président, avait en effet décidé de prendre le taureau par les cornes en créant une organisation "parallèle", indépendante du pouvoir politique, pour traiter ces problèmes.... Cachée sous la raison sociale d'une banale entreprise de bourse, Hendley Associates, une nouvelle structure clandestine surnommée "le Campus", recrute des agents parmi tous les services américains, pour se charger de missions antiterroristes "délicates": en bref, "neutraliser" lesdits terroristes. Parmi ces nouveaux talents, Dominic Caruso, que son action a fait remarquer, son frère jumeau, officier de marine tout juste revenu d'Afghanistan où il s'est brillamment illustré, et enfin, surprise, leur cousin... Jack Ryan, Junior, le fiston de l'ex-président.
Ex ? Parce que (nouvelle surprise), on l'apprend incidemment dans les premiers chapitres : Ryan a démissionné en cours de mandat (on le présageait à son désanchantement et son dégoût des intrigues politiques à la fin de l'Ours et le Dragon) et il se consacre désormais à rédiger ses mémoires. Ce que l'on apprend aussi, c'est que son successeur désigné, le vice-président Robby Jackson, s'est fait assassiner par un fanatique du Ku-Klux-Klan, outré de voir un noir accéder à la magistrature suprême... De sorte que le nouveau président élu est désormais Ed Kealty, le politicien arriviste, la bête noire de Jack Ryan, Senior, pour qui,  « ce que des gens de talent ont pu faire en dix ans, un imbécile peut le défaire en moins d'une année ». De même tous les  « anciens » de la saga, Ed et Mary Pat Foley ont pris leur retraite pour écrire eux aussi leurs mémoires tandis que le désormais mythique John Clark  « cultive son jardin anglais » avec la mystérieuse unité Rainbow - dont on se demande incidemment pourquoi elle n'intervient pas dans cette histoire de lutte antiterroriste...
 
Notons au passage l'art consommé de l'auteur à entremêler sans trop de hiatus réalité et fiction. Puisqu'entre "L'Ours" et "Le Tigre" Jack Ryan a rendu son tablier, il n'a donc pas eu à gérer les attentats du 11 septembre ou la guerre en Afghanistan (du reste juste évoqués dans leurs conséquences). C'est apparemment son successeur Ed Kealty qui s'en est chargé... Malin ! Mais tous ces événements servent nommément de toile de fond à l'intrigue, tout en se mêlant aux péripéties et aux personnages imaginaires de la saga Ryan.
 
Laquelle intrigue démarre après un long tunnel (une fois passé le prologue, on assiste surtout à la formation des jumeaux Caruso comme agent actifs et du jeune Ryan comme analyste tandis qu'on voit se dérouler, en quelques jours, l'infiltration d'un commando islamiste aux États-Unis). Ce n'est qu'à la moitié du bouquin que (enfin, pourrait-on dire !) les Islamistes passent à l'action en déclenchant des actions simultanées dans des centres commerciaux de l'Amérique profonde pour mieux terroriser la population. Hasard, les frères Caruso se trouvaient dans l'un d'eux et réussissent à neutraliser le commando. Dès lors tout s'enchaîne très (trop ?) vite : FBI, NSA, CIA et le Campus (ce dernier, toujours clandestin), remontent la piste, localisent les commanditaires, les courriers, les rabatteurs et surtout les financiers du réseau et pendant que les services « officiels » s'interrogent, le Campus agit promptement en envoyant ses agents (les frères Caruso) jouer les exécuteurs... avec des méthodes que n'aurait pas renié James Bond (même si, changement de bête noire cinématographique, ils ne cessent de répéter qu'ils ne sont pas l'Inspecteur Harry)... Une fois tous les méchants dirigeants neutralisés (le dernier par Jack Jr en personne), le bouquin se termine, pour le moins abruptement, car sur le fond, le problème de l'hyperterrorisme et des réseaux islamistes, tout juste abordé, demeure, avec la menace, d'une frappe "encore plus violente" promise par lesdits réseaux.
 
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Notons, incidemment, que le bouquin est moitié moins gros que les précédents, signe caractéristique des "romans d'introduction" (qu'il s'agisse d'Octobre rouge ou Jeux de guerre pour les Ryan-Clark ou d'Op-Center, NetForce, Politika pour les autres séries), preuve s'il en était besoin qu'on est peut-être à l'aube d'une nouvelle série... mais la fin, ouverte (presque en cliffhanger) laisse presque supposer qu'il pourrait y avoir, assez tôt, un tome II...
Comme on le voit, la saga Ryan continue donc, comme une affaire de famille. Du reste, Tom Clancy avait bien laissé entendre l'an dernier qu'il n'avait plus qu'un Ryan en chantier. Là aussi, serait-ce l'annonce d'un prochain passage de témoin à des "collaborateurs" ?
Une chose est sûre en tout cas : le ton ici est bien moins désabusé que dans les romans précédents. On retrouve un (presque) héros - presque, car il doit faire ses preuves - encore un peu naïf (comme son père) - mais pas autant que lui au même âge - il a été à bonne école - et surtout, Clancy semble avoir fait, avec un certain soulagement, son deuil de Ryan devenu, dans le dernier volume contemporain de la saga, un anti-héros désabusé, voire cynique, porté sur l'alcool, les cigarettes et le ronchonnement perpétuel. Détail frappant, son Ryan junior ressemble finalement assez au Ryan Senior jeune du volume antérieur, Red Rabbit situé vingt ans auparavant. Éternel retour, au point qu'on peut trouver quantité de parallèles entre les deux livres. Dans chaque cas, ce n'est pas Ryan le héros, mais un couple (là, les époux Foley, ici, les jumeaux Caruso), l'action se dénoue en Europe (Royaume-Uni, Hongrie, Yougoslavie, Italie, pour l'un, Royaume-Uni, Allemagne Autriche, Italie pour l'autre). Et dans l'un et l'autre cas, Ryan (Sr ou Jr) est un bleu, analyste de bureau, qui se trouve (malgré lui) propulsé sur le terrain et contraint de  « mettre les mains dans le cambouis »... Le parallèle est si frappant qu'on retrouve quasiment les mêmes phrases, descriptions, tournures, observations au détour d'un paragraphe, qu'il s'agisse de remarques sur les jeux du cirque au temps des Romains ou de commentaires historiques, politiques ou touristiques. Si l'on y ajoute la tendance de plus en plus affirmée de l'auteur à répéter à l'envi les bons mots, expressions et aphorismes qu'il met dans la bouche de ses personnages (le tout dernier étant « le monde réel est analogique, pas numérique »), on finit par trouver que décidément, tel père, tel fils...
 
 
Comme souvent chez Clancy, la réalité rejoint vite la fiction


Pour preuve, ce communiqué :
 
A.C.C.I.C., Arundel County Chesapeak Innovation Center, cinq lettres cachant les start-ups des services secrets américains, la National Security Agency (NSA).
 
La National Security Agency (NSA) est connue pour son rôle dans la sécurité nationale américaine et le contre-espionnage, mais depuis peu elle s'intéresse aussi à la recherche. Après les événements du 11 septembre 2001, l'agence s'est rendu compte qu'elle avait besoin du secteur privé pour lui insuffler des idées nouvelles et des approches innovantes. D'où l'A.C.C.I.C. basé dans le Maryland. C'est le premier incubateur d'entreprises dédiées à la sécurité nationale et aux luttes anti-terroristes.
 
On y retrouvera des sociétés dans des domaines variés : protection de données des réseaux informatiques, cryptographie ou encore recherche de vaccins comme celui contre la maladie du charbon. Pour le moment, la pépinière n'accueille que sept jeunes pousses, mais les promoteurs du projet pensent faire grimper ce chiffre à 20 ou 25 d'ici l'été prochain. La proximité du centre avec la NSA et le Pentagone devrait faciliter les implantations. Washington Post via Adit
repris par Zataz Magazine le 21 octobre 2003
 
FICHE PROMO DE L'ÉDITEUR AMÉRICAIN
« In the Brave New World of terrorism, where anybody with a spare AK-47, a knowledge of kitchen chemistry or simply the will to die can become a player, the old rules no longer apply. No matter what new governmental organizations come into being, the only ones that could be truly effective are those that are quick and agile, free of oversight and restriction...and outside the system. Way outside the system. In a nondescript office building in suburban Maryland, a firm named Hendley Associates does a profitable business in stocks, bonds and international currencies, but its real mission is quite different: to identify and locate terrorist threats, and then deal with them, in whatever manner necessary. Set up with the knowledge of President John Patrick Ryan, "The Campus" is always on the lookout for promising new talent, its recruiters scattered throughout the armed forces and government agencies—and three men are about to cross its radar. The first is Dominic Caruso, a rookie FBI agent, barely a year out of Quantico, whose decisive actions resolve a particularly brutal kidnap/murder case. The second is Caruso's brother, Brian, a Marine captain just back from his first combat action in Afghanistan, and already a man to watch. And the third is their cousin...a young man named Jack Ryan, Jr. Jack has always grown up around intrigue. As his father rose through the ranks of the CIA and then into the White House, Jack received a life course in the world and the way it works from agents, statesmen, analysts, Secret Service men, and black ops specialists such as John Clark and Ding Chavez. He wants to put it all to work now—but when he knocks on the front door of "The Campus," he finds that nothing has prepared him for what he is about to encounter. For it is indeed a different world out there...and it is about to become a lot more dangerous. »

Le commander sur Amazon :
Les Dents du tigre (Albin)

Les exégètes tatillons, bibliothécaires scrupuleux, fans gravement atteints et autres maniaques du C-V exhaustif trouveront ici une liste bibliographique (à peu près) complète.

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