1533: L'Italiá Federatá de la Renaissance, à Firenze, Lodovico Ariosto est poète et conseiller particiulier de Damiano de' Medici, à l'aube du XVI
e siècle, alors que l'Italie fédérée à conquis le Nouveau Monde et noué des liens commerciaux soutenus avec le nouveau continent. Pris en étau entre factions et rivalités sanglantes - banquiers ou commerçants, prêtres ou libertins, politiciens ou cardinaux, artistes ou espions, ambassadeurs ou domestiques - telle est la
Realtà.
Alors, pour la fuir, le poète s'évade en décidant de s'atteler à une tâche monumentale: rédiger la suite de son poème épique, l'Orlando Furioso ("Roland furieux"). Et dans cette Amérique de rêve, contrepoint du récit historique, voilà qu'il se met lui-même en scène dans le rôle d'un émisseur de l'Italiá Federatá dans le Nouveau-Monde, chargé de venir en aide au peuple Cérocchi (entendez les "Iroquois") menacé par les sorts terrifiants de sorciers diaboliques. Tel un nouveau chevalier Bayard, juché sur Bellimbosto, son hippogriffe fabuleux,voilà notre Ariosto parti guerroyer dans les rangs des Indiens d'Amérique... Telle est la
Fantasia. Jusqu'au jour tragique, où rêve et réalité se rejoignent, les exploits nés de l'imagination du poète finissant par lui donner des ailes, même dans la réalité, au point qu'il se croit capable de jouer (contre son gré peut-être) un autre rôle que celui de bouffon auprès de son bien dangereux et lunatique mécène...

Faut-il le dire, et le sous-titre «Romance pour une Renaissance alternative» le souligne à l'envi, il ne s'agit donc ici ni d'un roman historique: les anachronismes y sont en effet délibérés, ni d'un roman d'anticipation: l'action se déroule dans l'Italie du seicento ; ce n'est pas non plus une œuvre de pure imagination, utopie ou féérie, quand les personnages qui vivent et souffrent sous les yeux du lecteur ont pour noms Thomas More, Lucrèce Borgia, Clément VII, Michel-Ange ou Machiavel... du moins pour ce qui est de la Realtà. Car, récit mis en abyme (on songe bien entendu au Maître du Haut-Château ou à tant d'autres œuvres signées Dick mais aussi Spinrad; Farmer ou Moorcock), la Fantasia de l'Arioste vient sans cesse ouvrir les portes de l'épopée fantastique, dans un subtil et pervers contrepoint entre réalité et fiction, en un étourdissant exercice de voltige littéraire.
Mais il faut dire que Chelsea Quinn Yarbro est (avec Ursula LeGuin) l'une des romancières les plus originales de sa génération, qui n'avait jamais hésité à frayer de nouvelles voies (comme l'ont prouvé ses autres romans,
Fausse Aurore, Jacinthes, ou
le Comte de Saint-Germain). Anecdote, sans doute ses origines en partie indiennes expliquent-elles en grande partie l'emprise des légendes et cultures amérindiennes dans le présent récit.
J'ai traduit ce livre il y a plus de vingt ans, et j'ai encore le souvenir de l'émotion qui m'étreignait alors que je travaillais sur la traduction de ce poème épique (ah, ce finale qui m'a d'emblée fait venir les larmes aux yeux...). C'est sans doute mon meilleur souvenir de traducteur et en tout cas, de très loin, mon roman de SF (mais est-ce encore de la SF ?) préféré.
D'enthousiasme, je m'étais donc lancé (avec l'accord et la complicité d'Elisabeth Gille, alors responsable de la collection Présence du futur) dans la rédaction d'annexes diverses (glossaire,
tableau chronologique, plan de Florence à l'époque du récit, et surtout
postface)... Une bonne partie (la postface et le tableau) ont disparu de la présente réédition en Folio. On les retrouvera en cliquant
ici.